Mon âme en est triste à la fin ;
Elle est triste enfin d’être lasse,
Elle est lasse enfin d’être en vain,
Elle est triste et lasse à la fin
Et j’attends vos mains sur ma face.
J’attends vos doigts purs sur ma face,
Pareils à des anges de glace,
J’attends qu’ils m’apportent l’anneau ;
J’attends leur fraîcheur sur ma face,
Comme un trésor au fond de l’eau.
Et j’attends enfin leurs remèdes,
Pour ne pas mourir au soleil,
Mourir sans espoir au soleil !
J’attends qu’ils lavent mes yeux tièdes
Où tant de pauvres ont sommeil !
Où tant de cygnes sur la mer,
De cygnes errants sur la mer,
Tendent en vain leur col morose,
Où, le long des jardins d’hiver,
Des malades cueillent des roses.
J’attends vos doigts purs sur ma face,
Pareils à des anges de glace,
J’attends qu’ils mouillent mes regards,
Oh ! avoir vu tous ces regards !
Avoir admis tous ces regards !
Et avoir épuisé les miens à leur rencontre !
Et désormais ne pouvoir plus fermer les yeux !
Maeterlinck, Maurice, « Âme de nuit », Serres chaudes, 1889.